Vernissage de l’exposition Chopin, 27/07/2010
Féeriquement envoûtant
Frank Piontek – Le Courrier Nord-Bavarois, Mardi 27 juillet 2010
Les amis et les salonnards se pressent autour du pianiste, tout le monde est debout près du piano ; l’on peut apercevoir, un peu en retrait, Monsieur Joachim Schultz, administrateur des biens de l’amante de Chopin George Sand à Bayreuth. Les constructeurs de piano et les amateurs de musique sont tendus. C’est alors qu’il commence à jouer… Nous écoutons Alain Roudier. Comment pourrait-on découvrir comment sonne Chopin au 19ème siècle, sinon en l’écoutant jouer?
Lors du vernissage dominical de la petite mais fascinante collection envoyée par Ad Libitum, Besançon, à la manufacture de pianos Steingraeber, les visiteurs ont ainsi eu l’occasion d’expérimenter le son, les sons même – car deux pianos ne se valent pas. Ainsi, l’on peut admirer ici une mécanique excentrique, où les marteaux frappent les cordes par au-dessus (piano Henri Pape de 1833) ; là, un piano-pont de Roller et Blanchet datant de 1835, non restauré. Ici, un son chaleureux pour le premier Nocturne de Chopin, là un son relativement plus dur sur l’instrument laissé en l’état, qui sonne encore étonnamment bien.
Emouvant aux larmes
Le deuxième nocturne, le plus connu, émeut tout simplement aux larmes lorsque Roudier le joue avec ses mains de velours. Si cet instrument a été équipé d’un mécanisme anglaise, qui permet l' »attaque », Pape construisait ses pianos avec mécanique viennoise, garantissant un son « fondant » – et les deux sont caractéristiques, vrais, émouvants. On ne peut pas jouer très fort sur ces instruments; ainsi, Roudier joue doucement même lorsqu’il atteint les passages forte.
En outre, nous découvrons la copie d’un pianino de la firme Pleyel sur lequel Chopin aimait à jouer dans sa chambre de Valdemossa. Ici, l’instrument sonne un peu comme un piano du Far West, mais toujours si délicieusement qu’on ne peut douter ni de la compréhension esthétique de Chopin, ni du jeu de Monsieur Roudier.
Il est possible que les bayreuthiens s’intéressent plus particulièrement à un piano Steingraeber datant de 1835 (!), ainsi qu’à un autre datant de 1870: un pendant du premier piano de scène de Richard Wagner à Bayreuth. Un portrait authentique de Chopin, les premières éditions de partitions, une annonce de concert sur un piano appartenant à Paderewski, quelques fac-similés – tout cela parachève le tableau d’une bien belle exposition, et ce avec l’aide de la Société Historique et Littéraire Polonaise de Paris. Une exposition ouverte par un concert qui ne peut être qualifié que de « féeriquement envoûtant ».