« Geisterstimmen der Vergangenheit » Schubert concert, 2022
Alain Roudier spielte Schubert auf richtigen Flügeln – Eines der faszinierendsten Konzerte des Jahres
Frank Piontek – Nordbayerischer Kurier, 8/08/2022
Pianoforte & organology
Frank Piontek – Nordbayerischer Kurier, 8/08/2022
Kafka n’a-t-il pas dit que la littérature était une hache pour briser la mer gelée qui est en nous ?
On pourrait tout aussi bien dire cela de la musique. Quand Alain Roudier, spécialiste des pianos anciens, donne une fois encore, dans la salle Rococo du temps des Margrave, chez Steingraeber, un concert (accompagné d’une exposition d’instruments anciens), une hache se fraye un chemin chez de nombreux auditeurs. Quand Monsieur Roudier s’assied devant un clavicorde de quatre octaves et demi et joue l’Andante de Haydn avec les variations Hob. XVVII/6, le fa mineur de la marche funèbre sonne a lontano, comme s’il nous venait de bien loin. A-t-on jamais entendu musique plus calme chez Steingraeber ? L’effet est surprenant – et poignant : les 222 années qui séparent la composition de cette musique romantique et fantôme, de son interprétation présente, sont aisément effacées. On pourrait dire, à la façon de Janacek : ça fait grandir le cœur…
Après cette étrange musique s’est produit quelque chose de très fort. Le passage au piano Steingraeber op.1, fabriqué 80 ans après le tendre clavicorde, nous transporte dans une autre dimension dynamique. « Plus gros, plus fort, plus vite » : ainsi Udo Schmidt-Steingraeber résume-t-il le développement olympique du piano, qui surpasse le son relativement sobre des instruments du temps de Schumann. L’Impromptu de Schubert op. 90 et les Valses Nobles op.77 font ressortir les particularités de ce premier Steingraber : l’élégance robuste du son qui résonne dans le bois du piano fait ressembler le son du clavicorde à celui d’un luth. La longueur des œuvres de Schubert pour piano n’est pas pour déplaire, dans la chaleur de l’été. Et quand Roudier se met au piano, il rappelle la peinture de Gustav Klimt montrant le compositeur, Schubert, jouant pour le cercle de ses admirateurs. Un concert qui fait voyager dans le temps…
Etrangement, les pièces de Janacek tirées de « Sur un sentier recouvert » et de « Brouillards », sur le piano E-272 (nous sommes à présent dans la salle de musique moderne), sonnent tout aussi délicatement que les œuvres que Roudier vient de jouer sur le Steingraeber op.1. Il joue avec des mains de velours et utilise la pédale céleste ; les contrastes d’une rare beauté se font insistants – entre la résignation et la révolte se dessinent nuages de brouillard et explosions lumineuses, le tout pénétré d’une intériorité indéfinissable. On aimerait parfois plus d’énergie, mais c’est ce qui définit le style de Roudier : le style d’un grand seigneur qui traite ses instruments bien-aimés avec le plus grand respect.
La musique est avant tout une affaire de cœur.
K. S.
Frank Piontek – Le Courrier Nord-Bavarois, Mardi 27 juillet 2010
Les amis et les salonnards se pressent autour du pianiste, tout le monde est debout près du piano ; l’on peut apercevoir, un peu en retrait, Monsieur Joachim Schultz, administrateur des biens de l’amante de Chopin George Sand à Bayreuth. Les constructeurs de piano et les amateurs de musique sont tendus. C’est alors qu’il commence à jouer… Nous écoutons Alain Roudier. Comment pourrait-on découvrir comment sonne Chopin au 19ème siècle, sinon en l’écoutant jouer?
Lors du vernissage dominical de la petite mais fascinante collection envoyée par Ad Libitum, Besançon, à la manufacture de pianos Steingraeber, les visiteurs ont ainsi eu l’occasion d’expérimenter le son, les sons même – car deux pianos ne se valent pas. Ainsi, l’on peut admirer ici une mécanique excentrique, où les marteaux frappent les cordes par au-dessus (piano Henri Pape de 1833) ; là, un piano-pont de Roller et Blanchet datant de 1835, non restauré. Ici, un son chaleureux pour le premier Nocturne de Chopin, là un son relativement plus dur sur l’instrument laissé en l’état, qui sonne encore étonnamment bien.
Le deuxième nocturne, le plus connu, émeut tout simplement aux larmes lorsque Roudier le joue avec ses mains de velours. Si cet instrument a été équipé d’un mécanisme anglaise, qui permet l' »attaque », Pape construisait ses pianos avec mécanique viennoise, garantissant un son « fondant » – et les deux sont caractéristiques, vrais, émouvants. On ne peut pas jouer très fort sur ces instruments; ainsi, Roudier joue doucement même lorsqu’il atteint les passages forte.
En outre, nous découvrons la copie d’un pianino de la firme Pleyel sur lequel Chopin aimait à jouer dans sa chambre de Valdemossa. Ici, l’instrument sonne un peu comme un piano du Far West, mais toujours si délicieusement qu’on ne peut douter ni de la compréhension esthétique de Chopin, ni du jeu de Monsieur Roudier.
Il est possible que les bayreuthiens s’intéressent plus particulièrement à un piano Steingraeber datant de 1835 (!), ainsi qu’à un autre datant de 1870: un pendant du premier piano de scène de Richard Wagner à Bayreuth. Un portrait authentique de Chopin, les premières éditions de partitions, une annonce de concert sur un piano appartenant à Paderewski, quelques fac-similés – tout cela parachève le tableau d’une bien belle exposition, et ce avec l’aide de la Société Historique et Littéraire Polonaise de Paris. Une exposition ouverte par un concert qui ne peut être qualifié que de « féeriquement envoûtant ».
By Roderick Conway Morris International Herald Tribune. July 12, 2003
In around 1700, Bartolomeo Cristofori, a Paduan at the court of Grand Prince Ferdinando de’ Medici in Florence, invented the piano. For a long time his fellow countrymen showed little interest in the instrument, which aroused far more enthusiasm in German-speaking lands. Indeed, by the end of the 19th century, Cristofori’s name was all but forgotten and the invention was almost universally attributed to Gottfried Silbermann of Freiberg, Saxony, who had copied Cristofori’s revolutionary machine.
Given the central roles played by Italy and Germany in the original construction and diffusion of the piano, Trent, which for centuries marked a key meeting point between the Italian- and German-speaking worlds, is a most appropriate venue for a celebration of this instrument that changed the course of Western music.
Fifty antique pianos have been gathered together at the Castello del Buonconsiglio, tracing the invention and evolution of the instrument in Europe and America for a splendid exhibition: « Reawakening Ancient Chords: Three Centuries of the Piano. » Curated by an international team of experts led by Alain Roudier, Bruno di Lenna and Temenuschka Vesselinova, the exhibition is accompanied by a highly readable and richly illustrated catalog, available with a pair of revelatory CDs (which can also be listened to from room to room in the course of the show) of Roudier and Vesselinova playing classic pieces on some of the instruments on display.
The exhibition continues until Oct. 19, with free concerts every Tuesday evening by invited pianists to explore the repertoire of successive periods employing these historic instruments.
Bartolomeo Cristofori understood that his new machine would only function properly if he could find a way of making the hammer hit the string and fall away sufficiently briskly not to deaden the sound, even if the key was still being held down. He cracked this surprisingly complex problem with a system consisting of an arrangement of levers, which operated what came to be called an « escapement » action (the term does not appear to have been coined until 1834). So well did Cristofori meet this challenge that his method could not be significantly improved upon for well over a century, but meanwhile the instrument’s progress was slowed by the attempts of makers to devise simpler mechanisms that were easier to build but did not work nearly as well.
Cristofori’s newfangled machine gave keyboard players an unprecedented control over the sounds they produced including, at the most basic level, an ability to control volume — hence the original term « pianoforte » (soft loud), and « fortepiano, » names that initially enjoyed equal currency. The latter word is still the standard one for the piano in Slavic languages, and in the West is used as a convenient (if historically not strictly accurate) way of denoting early pianos.
One possible explanation why the piano received a warmer welcome north of the Alps than in the land that gave birth to it is that the clavichord, whose action and « feel » had something in common with the piano’s, was more popular there, while in Italy the harpsichord remained king. And, curiously, the only surviving instrument by Cristofori’s best-known pupil, Giovanni Ferrini, is a combined piano-harpsichord of 1746, which could be played as one or the other, or both at once.
But whatever the reasons for the Germans’ initial love affair with the piano, it was this region that did most to guarantee its wider distribution. The wars and revolutions that disrupted central Europe during the 18th century also had an influence, since quite a few early makers were refugees. To England, for example, in the 1760’s and 70’s went a group of Germanic migrants, who came to be called the « Twelve Apostles, » on account of their « conversion » to the cult of the piano, and turned London into an important piano-manufacturing center, laying the foundations for a native English school, and the factories of Broadwood and Stodart families. To Paris went the Erard Brothers, and the Pleyel family, both to become renowned manufacturers and to make the French capital a formidable rival to London.
Despite the emigration of talent from the region in the late 18th and early 19th centuries, Vienna remained a prime center for piano making — with more than 150 piano and organ makers active between 1791 and 1815 — and, during the period when the piano was consolidating its primacy over other keyboard instruments, was the home of Haydn, Mozart, Beethoven and Schubert.
The Viennese school was also distinct in cleaving to instruments that produced light, delicate, transparent sounds that came increasingly to contrast with the more powerful and robust styles of their northern competitors. Some of the Viennese instruments were also the most refined in design and aesthetically pleasing ever made.
The most amusing pianos on display here are from the early 19th century and fitted with additional pedals to the standard two or three of later instruments. These extra ones operated a series of « bells and whistles » devices, summoning up accompanying effects, ranging from the sound of bassoons and the plucking of lutes to the thump of the bass drum of a Janissary band, the tinkling of triangles and the clash of cymbals. These options, pre-dating the modern synthesizer by a good century and a half, came to be thought infra dig and were eventually dropped by manufacturers.
The strangest piano here is Wagner’s « Graalsglocke » or Holy Grail Bell, which consists of just four enormous keys and hammers to strike four sets of outsized bass strings. It was used in every performance of « Parsifal » at Bayreuth between 1882 and 1975, but has been replaced by electronic music, apparently.
As for the makers themselves, it is one of the great virtues of the show and catalog that they focus so much attention on them. To be a really successful piano maker of the old school required multifarious talents, from a profound understanding of music and musical trends to practical engineering skills and a head for business in what became during the 19th century an ever more competitive environment. Huge sums were sometimes committed to improving the technology. Erard Brothers, for example, spent 13 years developing their new patent « double escapement, » which facilitated the extremely rapid repetition of single notes, and reckoned to have spent almost $25,000 in the money of the time in developing it.
The makers’ relationships with their celebrity customers also became increasingly vital. When the 12-year-old Franz Liszt went to London in 1824, Erard shipped over from Paris several of their most up-to-date pianos for the young prodigy to play. The tour ended with a triumphant royal command performance at Windsor for George IV, at which Pierre Erard, nephew of the firm’s boss, hovered discreetly in the background, hoping after the recital to persuade the king to sign on the dotted line and order a deluxe Erard for himself.
Nor could the great virtuosos be counted upon to stick to a single brand. As Chopin was recorded as saying: « When I am somewhat indisposed, I play an Erard piano and I easily find a sound ready to hand. But when I am in form and feel strong enough to find my own sound, I need a Pleyel. »
La Tour 41, Belfort, 1988
Le Pays de Franche-Comté, 3 avril 1984